Quand Messaoud Benchebli quitte sa Constantine natale pour la France, il ne s'attendait certainement pas à se retrouver dans la rue et sans identité. Et pourtant, c'est ce qui est arrivé à cet Algérien, aujourd'hui âgé de 81 ans, il a émigré en 1970 pour venir en aide à sa famille qui vivait dans des conditions modestes. À l'époque, la Lorraine recrutait alors il n'a pas hésité à s'y rendre, lui et ses frères.
Selon le récit du journal régional Le Républicain Lorrain, ses frères n'étaient pas restés, mais lui si. Il avait trouvé un emploi dans le secteur des travaux publics, dans une usine, mais celle-ci fermera ses portes et Messaoud Benchebli enchaînera les intérims, et ce jusqu'à l'année 1986, quand il a eu un malaise qui chamboula toute sa vie.
Pris d'un malaise, il perd la mémoire
« J’ai été pris d’un malaise. À mon réveil, je suis à l’hôpital. On me dit que je dois prendre des cachets toute ma vie. Alors je rentre chez moi, je rassemble quelques affaires dans un sac et je pars dans la rue. J’ai perdu la tête et la mémoire », raconte-t-il, sans pouvoir expliquer sa maladie ou ce qu'il ressent.
Un jour, il a dormi dans un parc. Au réveil, le matin, il s'est rendu compte que son sac a disparu, et avec lui, tous ses papiers. Il n'en était pas conscient, ce matin-là, mais il venait de perdre son identité. Sans identité, sans toit et sans le sou, il vivra dans la misère pendant de longues années. « J’ai vécu sans rien. Je mangeais quand il y avait de la nourriture. Je suis resté seul. Je n’ai dit à personne que j’étais à la rue. À la police, je leur ai dit que j’avais perdu mes papiers, mais il n’y a pas eu de suite », précise-t-il.
C'est en février 2021 qu'une dame le rencontre à la gare routière et découvre sa triste histoire. Elle informe des amies à elles, parmi lesquelles Kheira qui décidera de se mobiliser pour lui. Avec ses amies, elles courent partout pour trouver des informations sur le vieil octogénaire.
Aucune trace au Consulat d'Algérie, ni en préfecture
« Au commissariat, il n’était pas dans les fichiers. Il était inconnu au consulat d’Algérie et en préfecture. On l’a aussi emmené voir un médecin à la permanence d’accès aux soins de l’hôpital Bel-Air où il a été pris en charge gratuitement », raconte Kheira, qui finira par trouver un numéro de sécurité sociale, grâce à un contact. Un numéro qui se révèlera être un début de dénouement pour son problème d'identité.
Kheira et ses amies ne se sont pas contentées de cette découverte. Elles se cotisent pour lui trouver un logement en location et en juillet 2021, elles réussiront à lui faire obtenir un passeport d'urgence algérien du Consulat d'Algérie. Le passeport d'urgence est un document temporaire qui devait l'aider à régulariser sa situation en France. Il y avait beaucoup d'émotion ce jour-là, se souvient Kheira. « Il n’y croyait pas, il pleurait. Il n’arrivait pas à le tenir dans ses mains », raconte-t-elle avec beaucoup d'émotion.
Un numéro de sécurité sociale lui ouvre des portes
Messaoud Benchebli est hébergé au CHRS de l'armée du Salut de Florange, à environ 30 kilomètres au nord de Metz, chef-lieu de la Moselle et environ 30 kilomètres au sud de la frontière luxembourgeoise. À 81 ans, le vieil Algérien souffre de graves problèmes de santé et Kheira et ses amies ne veulent pas baisser les bras avant de mener un autre combat avec Messaoud Benchebli ; celui pour la dignité. « Ce que l’on veut, c’est qu’il puisse récupérer ses droits, sa retraite. Qu’il puisse retourner en Algérie », affirme-t-elle, n'omettant pas de signaler que l'Algérien est toujours considéré comme un sans-papiers, puisque sa demande de titre de séjour est restée lettre morte.
Cependant, et avec l'aide de Kheira et ses amies, Messaoud Benchebli a réussi à reprendre contact avec les membres de sa famille qui le croyait mort depuis longtemps. Il a pu reprendre contact avec sa sœur, aujourd'hui âgée de 98 ans. Il n'a pas pu retenir ses larmes quand il l'a vue sur l'écran d'un smartphone. Elle n'en croyait pas ses yeux, non plus, elle qui le croyait mort depuis plus de trente ans.